Iain Chambers
In Culture after humanism, history, culture, subjectivity, Routledge, London, 2001

A Stranger in the House,
Anthropologising the anthropologist

(…)
At this point, I turn to view the visual work of Hélène Hourmat: a contemporary artist, of Moroccan background, brought up in France. Women in North African dress, men in occidental clothing, family scenes and street portraits: Hourmat's mixed media panels composed of photography, pastels, postcards and ink, trace the journey - both the physical journey and the complex cultural itineraries - of national, ethnic and gendered identity from one side of the Mediterranean to the other, of one world (Jewish, Sephardic, Moroccan and Maghrebian) within another (European, French, cosmopolitan), amid the languages, and limits, of visual enframing. The visual correspondence insists on the precise historical trajectory of a seemingly peripheral cultural configuration within the deterritorialised grammar of modernity. It brings both to account while transforming their respective histories into an element of freedom.

Such work proposes an invitation to step into the unhomely not in the name of the passing thrill of the exotic and the temporary attraction of alterity, but rather in order to render the languages that familiarise us with the world, that domesticate it and render it ours, unfamiliar; that render the ordinary extraordinary, uncanny, and there encounter the violent repression that legitimizes our speech. It is to intercept discussion of the global-local nexus, and the explanatory gloss of modernity and modernization, with a skepticism towards the teleology invariably imbricated in the understanding of such processes. (…)



Herfel, Hoormann, Mees, Schulz, Thormann
In CatalogueDas Andere Gedächtnis, Hamburg, Ausstellung 1991

Das Andere Gedächtnis (Vorworte)

(…)
Ausgangpunkt der künstlerischen Arbeiten von Hélène Hourmat ist das Fotoalbum ihrer Familie. Eine entscheidende Rolle spielt vor allem die weibliche Linie, die Mutter und Grossmutter, die au seiner jüdischen Familie in Marokko stammen. Die Werke beschreiben mehr oder minder vermittelt die Reise, den übergang von dem jüdisch-marokkanischen Kulturkreis in den westeuropäisch-christlich-Katholischen (“Le gout sale des lèvres ou Le déroit de Gibraltar” – Der salzige Geschmack der Lippen oder Die Meerenge von Gibraltar – 1989). Sie umkreisen also ein Dazwischen, einen Zwischenbereich sowohl in topographischer als auch zeitlicher Hinsicht. Dieses Moment zeigt sich auci in den eingesetzten künstlerischen Mitteln. Hélène Hourmat beharrt mit ihren Werken auf für das ausgehende 20. Jahrhundert as ‘klassisch’ geltende künstlerische Verfahren : die Zeichnung und die Fotografie. In der Konfrontation von fast fptprealistisch gezeichneten Porträts und aus dem Familienalbum heraus vergrösserten Fotoporträts entsteht ein Spannungsfeld, in dem grafische Qualitäte, der Fotografie den fotografischen Qualitäten der Zeichnung im Hinblick auf ihre unterschiedlichen Dokumentationeigenschaften untersucht warden (“ Viridiane “, 1986-1988, “ Regards “, Blicke, 1978-1989).
In der zarten Farbigkeit ihrer Zeichnungen kann auch eine Bezugnahme auf ‘weibliche’ künstlerische Ausdrucksformen gesehen werden. So gilt Marie Laurencin (1883-1656), die für ihre Figurenbildnisse in pastoser, duffer Farbigkeit in der französischen Kunstgeschichtsschreibung bekannt ist, als die wichtigste Vertreterin einer als ‘weiblich’ angesehenen Kunsttradition.
Gleichzeitig steckt in der subtilen, pastosen Struktur der Zeichnungen Subversives, ist in ihnen wie unter einem Schleier das Spiel des Changierens zwischen dem verblassenden Verschwinden und dem Wiederauftauchen – aus dem Nebel der Erinnerung – angelegt. Die so dargestellten Personen scheinen sich dem direkten Zugriff zu verwehren und sind doch – auch durch die direkte Blickbeziehung der Dargestellten zu den Betrachterinnen und Betrachtern – sehr present.
Wie viele Künstlerinnen bezieht Hélène Hourmat in ihren Montagen aus das Abbild der eigenen Physiognomie ein und setzt damit die Auseinandersetzung mit ihrer Biographie und Person Künstlerisch um. In der Rückbesinnung auf Geschichte, Tradition, Familiengeschichte liegt Suchen nach Identität, das Bewusstwerden und Behaupten des eigenen Standpunktes. Dass in den Werken bis heute vor allem der jüdisch-marokkanische Zweig ihrer Familue thematisiert und präsentiert wird, mag auch an der inneren Notwendigkeit liegen, sic him westeuropäischen Raum mit den multikulturellen Phänomenen und den damit verbundenen gesellschaftlichen Konflikten auseinanderzusetzn; Hélène Hourmat last mit ihren Werken auch die Utopie von einer multikulturellen Gesellschaft aufscheinen.
(…)



Rosi Huhn
In Féminisme, Art et Histoire de l’art, Paris, École des Beaux-Arts, 1994
Des Femmes artistes contemporaines et la folie de la raison: d'un passage à l’Autre

Hélène Hourmat:
changement de regard

(…)
Dans un de ses photomontages, Hélène Hourmat a placé comme une fenêtre éclairante un autoportrait qui la désigne en tant que magicienne. Elle officie devant des objets-souvenirs, objets-fétiches, dont le pouvoir occulte doit être exorcisé. Mais le véritable sortilège, celui dont elle ne sait jusqu’où il convient de se délivrer, c’est celui qu’exercent les photos de son album de famille. Elles disent l’histoire d’une famille de la bourgeoisie juive marocaine (photos des années 20-30) passée ensuite du Maroc en Espagne, puis établie en Angleterre et en France (photos des années 50). Cette histoire est celle d’un parcours de l’Orient vers l’Occident, entre tradition et modernité, et d’une rupture en l’espace de trois générations, celle de l’artiste, de ses parents et de ses grands-parents.
Dans l’autre partie de ce photomontage, l’artiste magicienne, surexposée et claire, transparente comme un négatif, semble se dissoudre et disparaître dans un flou de lumière, d’où, presque imperceptiblement se dégagent ses ancêtres figurant sur les photos dispersées au sol. Surgissant d’un espace vague et sombre, ils ont quant à eux une présence impressionnante.
Parmi eux, une jeune femme marocaine (la grand-mère) domine par son attitude fière, sa présence physique et son regard sévère et pénétrant. Un homme en habit traditionnel marocain (le grand-père en djellaba) paraît en comparaison plus petit, marginalisé, parce que raccourci dans la perspective spatiale. Cette dominance de la femme – telle que l’a voulue l’artiste – s’oppose à la domination sociale de l’homme. En même temps, elle rappelle le pouvoir de la femme an tant que maîtresse de la maison dont l’homme, occupé à l’extérieur, était exclu. L’accent mis sur cet espace refuge, et où la femme prend sa revanche, revêt une valeur subversive par rapport à cette société patriarcale.
(…) Pour Hélène Hourmat, l’album de famille représente une source inépuisable dont elle peut tirer, à la manière d’un conteur arabe, mille et une histoires. Elle révèle, conjure et transforme ses photos à partir d’une multiplicité de techniques photographiques et d’un recours à des effets cinématographiques. Fragmentés et remontés pour former de grands rébus ou mosaïques, ses photos et dessins (qui imitent les motifs et les effets de ces photos) racontent une histoire familiale dont la mémoire n’affleure que par bribes. Comme l’enfance, elle ne se raconte pas comme une histoire, elle n’a pas de chronologie.
Dans différents instantanés représentant des générations différentes, à différents âges, se confondent – comme dans un heu de dupe – le présent et le passé, le réel et l’imaginaire. Alors que le temps chronologique se dissout, une nouvelle temporalité est créée où la rencontre de gens et de choses qui ne se sont jamais vus devient possible. Nous sommes tantôt à Fes, tantôt à Paris et parfois aussi en Espagne. Dans un salon marocain des années 20, richement décoré, nous trouvons de façon anachronique une photo prise trente ans plus tard. L’habit oriental voisine avec des costumes européens des années 50. Les idoles et les idéaux, les esthétiques propres à ces deux mondes, se croisent et sont mis en situation de dialogue.
La fiction et le réel sont indiscernables, comme pour chaque mythologie d’origine. Certains motifs récurrents, très souvent transformés, forment les éléments d’une mythologie personnelle. La nouvelle structure, morcelée et chiffrée en forme de rébus, bouleverse la chronique et la hiérarchie familiale à tel point que les personnages deviennent de nouveaux acteurs dans un nouveau scénario.
Un des scénarios, Le Goût salé des lèvres ou le détroit de Gibraltar, met en scène une trajectoire réelle autant qu’imaginaire, symbolisée par le sillage d’un bateau sur la mer. Il s’agit –c’est ce que raconte la chronique familiale – de la traversée du détroit de Gibraltar, moment mémorable du départ de la famille du Maroc, ce pays aussi évoqué par la photo du rituel quotidien du thé.
Alors que le no man’s land de la mer suggère une large ouverture et ne semble pas avoir d’histoire, l’image rhétorique du rituel en raconte une et donne les détails précis d’une inscription sociale : tandis qu’une domestique noire, complètement en marge de la photo, regarde attentivement ses maîtres, la maîtresse de maison se tourne vers son mari. Par le contraste noir et blanc poussé à l’extrême, le regard est attiré par les reflets de lumière sur la théière, les tasses et les plis du vêtement. L’accent est mis sur les objets représentatifs de la richesse et de l’hospitalité. La photo, semblable à une nature morte, semble suggérer le caractère éphémère de la scène, qui disparaît dans le détroit de Gibraltar.
La superposition des deux motifs, coupés et agrandis, celui du bateau et celui du rituel du thé, crée un espace et une structure où le futur rejoint le passé : on imagine de quel monde viennent les personnages tandis qu’en même temps, le bateau les emporte vers un autre monde. Mais déjà leur photo aux contours imprécis paraît s’abîmer, disparaître.
Si dans la photo du rituel du thé, placée horizontalement au centre du montage, les rôles sociaux sont bien lisiblement définis et déterminés, ils ne le sont plus dans les trois photos-dessins qui l’entourent : tout en haut, en grand format et en gros plan, le portrait d’une jeune femme (la mère), qui domine toute la scène de son regard. Ni le vêtement, ni le maintien ne permettent de la situer dans un contexte social. C’est l’expression de son visage souriant où se lit une grande sérénité qui attire l’attention. Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’une photo mais d’un dessin au pastel et à la gouache blanche exécuté sur un papier à grain fort. Le grain du papier évoque un effet semblable à celui de la corrosion naturelle des statues.
Tout en dessous de l’assemblage figure une main tendue étrangement modelée par l’ombre et la lumière. Elle ne saisit rien en fait, si ce n’est un vide où seules figurent les traces d’un mouvement rapide évoquant la gesticulation d’un narrateur.
Une lecture sociale, en terme de passage d’une culture à l’autre, d’une époque à l’autre, et qui fait de la femme issue d’une structure patriarcale l’héroïne d’un voyage dans le temps et dans l’espace, ne permet qu’une première appréhension de cette œuvre. Une lecture esthétique des différents effets picturaux, sculpturaux, photographiques et cinématographiques (accentuation des noirs et blancs, grossissement, panoramique, agrandissement d’un fragment, effet cinétique, superposition, découpage produisant des effets de flash-back et de simultanéité) est toute aussi intéressante.
Dans le scénario d’une autre œuvre, Viridiane (d’après le nom d’un pigment vert et du film de Bunuel), les extraits de l’album de famille apparaissent radicalement morcelés, découpés dans une composition en forme de rébus. Parmi ces fragments photographiques, il se trouve trois dessins exécutés au vert Viridiane représentant des photo-portraits. Monochromes et à peine contrastés, ils donnent l’impression de négatifs transparents, à peine visibles, s’opposant aux positifs bien contrastés qui les entourent. Dans la structure de l’ensemble, on retrouve les effets multiples d’un travail photographique qui dévoile toute une morphologie et une psychologie du regard de l’autre et du regard sur soi, regards échangés entre le modèle, les photographes, l’artiste et les spectateurs. Les regards des modèles sont tantôt directs tantôt indirects : ils fixent l’appareil pour séduire et pour en imposer. C’est aussi le photographe qui les surprend, comme un voyeur, son intérêt pour eux signifiant qu’il est lui aussi séduit. Ce rapport s’apparente à une structure de pouvoir.
(…) Hélène Hourmat pousse ses tirages et travaille ses dessins aux limites de la désagrégation ou, au contraire, de leur fossilisation, signifiant l’effacement ou l’incrustation de la mémoire et de l’histoire. Pareil jeu entre le négatif et le positif de la photo, qui se retrouve aussi dans le rapport entre les photos et les dessins, crée l’apparition et la disparition des sujets. De ces réflexions techniques et esthétiques se dégage une certaine structure en rapport avec la mémoire, qui révèle, enregistre, efface ou refoule. En cela, ce travail où l’oubli et la mémoire ont chacun un rôle à jouer illustre la métaphore inspirée par Freud et développée par Philippe Dubois. Pour ce dernier, la photographie est un « appareil psychique », le positif et le négatif symbolisant la double dimension, consciente et inconsciente, de l’esprit. (…….)
Dans son passage à l’Autre, Hélène Hourmat transporte les figurants de son album de famille dans un scénario personnel, et rend possible des rencontres inattendues. Les figurants, hommes et femmes, soumis à sa mise en scène, entrent dans un rapport nouveau qui se substitue à l’ancienne hiérarchie des sexes. Il obéit à un jeu paradoxal de séduction où tout est permis.

In Féminisme, Art et Histoire de l’art, Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, 1994 (publication faisant suite au colloque « Féminisme, art et histoire de l’art, ça, c’est une autre histoire ! » qui s’est tenu à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de janvier à mars 1990, à l’initiative et sous la direction de Mathilde Ferrer et d’Yves Michaud et avec le concours de l’équipe de la médiathèque de l’Ecole. La coordination en était assurée par Martine Markovits)



Mounira Khémir
Plaquette éditée par le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, Paris, 1999
Exposition «Hélène Hourmat, carnets de voyage» (octobre 1999 / janvier 2000)

Hélène Hourmat
Photographies et autres graphies

(…)
De la photographie au dessin, le voyage chez Hélène Hourmat emprunte certains détours. L’album de famille et les cartes postales coloniales demeurent la première source picturale. La recherche et la création sont, à ce niveau, un territoire dans lequel on déplace les signes. Images, signes, traces, lettres, marques fondent ce palimpseste de la mémoire. Tout semble engagé pour retrouver l’identité et la différence.
Désir de fixer des images, des mots, des attitudes, de les soustraire pour plus tard à l’éventuelle infidélité de la mémoire. Alors le regard se fait oblique, malgré cette géométrie des lignes à l’apparence sévère. Une écriture concise dans chaque composition et qui dissimule dans les parois la pudeur caracteristique d’un autre temps. Il y a dans ces lignes comme un désir d’approche et de toucher. Alors surprend le désir de traduire. Le traitement graphique de l’espace est lui-même porteur d’un message : la création des simultanéités. Au-delà des images, le langage s’articule dans cette architecture de formes : visions métaphoriques ou linéaires, l’artiste est dans une quête. Une écriture qui prend l’allure, par endroits, d’une cryptographie. Dans Tatouée, une œuvre de 1996, l’écriture parcourt l’image, dessine des tatouages sur le corps de l’artiste et comme d’une image sonore révèle non pas la photographie du musicien qu’elle tient dans ses mains, mais épingle par là, l’histoire d’une représentation. Comme s’il s’agissait d’habiller le souvenir, l’artiste introduit des « scènes & types » pour se rattraper et ajouster le pli d’une représentation un peu trop stéréotypée et qui rappelle ceratins voyages dabns le temps, d’autres temps, le temps où la pose faisait l’identité.
Ces lignes de voile arborent quelle surface et nous préparent à quel rite, celui de qelle mémoire ? Alors que le temps des images continue sa flânerie, la fluidité des lignes ne doit pas masquer quelques tensions. Chaque assemblage ou chaque montage se dévoile à nous comme un parcours de sens. Dans l’ensemble Battement de cil, cette femme debout comme une fierté vient, par un appel irrésistible, à notre rencontre. Le temps d’une halte, regard cerné, elle porte en elle les réminiscences d’un monde fatalement lointain et proche. Comme d’un safari au sud d’une mémoire, un corps à corps dans le secret quand le souvenir menace de s’éteindre, la douceur de certains mots souffle. Connaître encore l’aurore et ses lumières et rêver à un tourbillon de tendresse que les lignes tentent d’aspirer quand elles dessinent le sujet. Alors que faire d’autre, sinon ourdir sa propre trame contre le temps pour que la photographie renaisse encore et que cette révélation devienne photocopie, célébrant une nouvelle trame. Sanglée de lignes et encore sanglée, la mémoire pèse de son éternel carême. Alors dans un battement de cil , les sangles sont menacées quand le souvenir vient se poser sur un pavement de zelij. Nul autre désir qu’un désir fou de régénérer : un désir de voir, d’entendre, de dire. Alors, des traits comme des sangles et encore des traits qui fouettent la mémoire même dans un battement de cil.
Des lignes qui nous séduisent par leur fluidité aérienne. Comme d’une ronde silencieuse, celle qui contiendrait des ombres et des lumières et puis des ombres, il y a des paroles dites par des lignes, des paroles portées et des paroles tues. Là où les fragments sont découpés, il y a paysage. De l’horizon monte la transparence mouvante et trouble de l’espace. Question d’ombres et de lumière. Là où le paysage fait défaut, l’artiste fait paysage face à cette baroque nuit de la mémoire ! Tant de souvenirs dans un geste ou dans un regard. Des mots comme des parfums et des lignes comme des ondulations furieuses contre l’effacement du temps, même quand « la furie se trouve endormie ».
La circonstance fait la relation, nous dira un poète et la variabilité fait la vigueur face aux méandres de la mémoire. Là où les lignes sont vigoureusement dessinées, il en est comme d’un chiasme optique. Comme de cette unité sans pareille, d’un Reisetagbuch, il y a si peu dans un carnet de voyage, mais c’est peut-être l’objet le plus précieux pour un voyageur au regard inventif. Un crnet aussi fécond qu’un livre pour l’étranger de Jabès.
De l’album de famille au carnet de voyage, des regards construits en miroir pour dessiner un espace-temps entre photographie et dessin, mais le fragment est là pour enrichir l’ensemble. Le dessin introduit un autre temps, appelle une décantation de la mémoire. Dans l’acte de dessiner, l’artiste se crée une proximité et une connaissance que la photographie ne peut procurer. Le temps n’est pas vécu de la même manière. Entre superpositions et juxtapositions, l’aménagement de la surface optique laisse libre cours à quelques accidents poétiques, produisant de nouvelles scènes toujours riches de signes. Travail contre l’oubli mais aussi autour de l’absence d’une figure centrale, celle de la grand-mère marocaine d’Hélène Hourmat, et d’un temps partagé entre Fès et Tanger. L’espace du tableau est le lieu de l’hospitalité où se tissent des liens qui semblent nouveaux. L’artiste, à la manière d’une conteuse d’espace, est prise dans un jeu de déconstruction. Déconstruire afin de tenir encore pour que de nouvelles évocations naissent de cet écart. Comme pour résister à un fil narratif interrompu, elle cherche toujours à introduire d’autres fils de narration tenus parfois par l’envolée d’un seul mot.
Des fragments pour faire parler le lieu. Mais ce n’est pas une larme chaude que peut contenir toute traversée mais d’un « goût salé ». Là où la visibilité à partir d’un détroit est semblable à la présence de la mémoire d’une bordure. Dans cette recherche d’une différence, la nécessité d’une ouverture à l’autre, la rencontre avec l’autre va avec une écoute des différentes formes d’échange. Une errance qui n’est pas dépourvue de signification. Elaborer le lieu est-il possible seulement dans une sédentarité ? Alors voyager encore à travers mots et images pour mieux migrer. Lieu de lm’errance dans un travail de deuil, ou éloge du nomadisme à la recherche d’und densité dans l’émotion ? Une recherche du lieu qui s’érige contre des représentations exotiques. Des constructions comme des odes face à la puissance affective de la photographie et comme un refus d’une facilité de lecture, fuir la face d’une simple contemplation et partir loin afin de mieux dessiner le profil.
L’organisation de l’espace défie, comme dans un changement de cadence, le temps. Il reste maintenant à nommer même ceux qui nous sont proches. Au fait, comment s’appelle la grand-mère d’Hélène ? Comme d’un mythe, une histoire commencée mais à jamais inachevée, tous ces mythes se nourrissent de la disjonction et de l’écart. Alors, il reste à assembler pour rassembler dans cette géographie de l’évocation. Le voile est levé, mais c’est la mémoire qui est femelle, c’est elle qui est à féconder. Pleines d’une nudité, les lignes cernent les contours contre la nuit, contre l’oubli. L’aube répudiée est toujours à chercher sur les berges de la nostalgie à travers détroit et pertuis.

Cordination de l'exposition : Nathalie Brunet-Hazan



Peter Rautmann
In Le Festin, Revue des patrimoines, des paysages et de la création en Aquitaine, N° 34, 2000
Nos Familles lointaines

Les plongées argentiques d’Hélène Hourmat

(…) Entre Pays Basque et Afrique du Nord, Hélène Hourmat cherche à apprivoiser les lumières de l’exode. Avec la photographie, elle a fait des découvertes, qui nous touchent et nous troublent. A travers des lambeaux de temps, c’est aussi notre temps actuel qui, exposé, s’en trouve révélé.
(…)
Le regard sur « Viridiane » peut reporter au grand travail « La Furie Endormie », dans lequel le sommeil est directement thématisé comme un autre état de conscience. Avec comme noyau la pièce archéologique d’une tête de femme endormie conservée au Musée archéologique de Naples. Hourmat cherche à approcher l’histoire de sa famille à la manière d’un rêve, dans lequel se glissent les images de lambeaux de souvenirs. Par le dessin, par le sur-traitement de la photographie, elle suit la trace des jeux de lumière, entre zones sombres et filaments incandescents.(…)
Un grand travail récent d’Hélène Hourmat, « Lehnert et Landrock », est d’une forte radicalité. A la place de l’album de famille paraît le carnet de voyage des deux photographes mentionnés ci-dessus. L’observateur ou l’observatrice ne peut regarder ces images que comme voyeur. Hélène Hourmat a perçu cela et n’y a pas répondu par son regard mais par l’engagement de son corps, là où elle est vulnérable. Mettre en jeu son propre corps signifie se rendre soi-même vulnérable, montrer ce que les images font inexorablement de nous. Cette rigueur du discours est associée à celle des moyens formels – ainsi quand le bord de l’album déchiquète le corps. Cependant, à côté de cette rigueur, apparaissent aussi des formes infiniment floues, des passages de zones grises à des zones d’une telle profondeur de noir que le regard s’y perd. L’assemblement des six panneaux aux larges marges blanches est comme le renversement de l’idée du carré noir sur fond blanc, autrement dit en référence consciente à l’art abstrait moderne, intégrant celui-ci, mais pour l’élargir à un développement du contenu.
Ce qu’il y a de plus provocant est certainement le triptyque élaboré à partir des vues du « Jardin d’Acclimatation », prises au tournant du siècle à Paris. A côté d’images idylliques de serres tropicales et d’oiseaux paradisiaques (le paon faisant la roue), ces vues stéréoscopiques montrent des femmes africaines qu’un public blanc endimanché contemple comme des animaux exotiques dans un zoo. Alors que j’écris ces lignes, j’apprends à la radio les violences qui sont faites aux Africains qui veulent rester en France et qui sont embarqués de force dans des avions pour être renvoyés en Afrique. Cette violence n’a-t-elle pas quelque chose à voir avec les photographies du « Jardin d’Acclimatation » ? Et comme il est rare, dans l’art actuel, de trouver dans les événements du monde une voie d’accès aux œuvres d’art. Hélène Hourmat répond par un mouvement du regard : par détour, par voilage, par la citation d’un disque de phnographe – comme si l’écoute représentait une issue – mais le disque est brisé et ne laisse plus rien entendre. Au choquant de ces images elle oppose la non-image, qui devient à nouveau une image.
De ce champ de tensions nous ne sommes pas libérés. L’artiste ouvre la vue sur l’historicité de nos regards, sur la force et la violence contenues dans les images, et ne capitule pas devant elles, elle intervient de manière différenciée, complexe, de telle sorte que, de nouveau, de la beauté peut naître, non une beauté seulement formelle, mais une beauté consciente de sa vulnérabilité.



Michel Melot
In La Recherche Photographique, La Famille, N°8, Février 1990

Une Anatomie
Viridiane d’Hélène Hourmat.

(…)
Parce qu’elle travaille, depuis une quinzaine d’années, sur quelques-unes des photographies de son propre album de famille, Hélène Hourmat pratique un exercice délicat et courageux : transformer l’album, qui est une sorte de linceul, en un lieu de création et de régénérescence. La photographie devient le véhicule de tout ce qui se transporte d’une génération à l’autre. Détaillées et dégagées, les photographies de l’album sont remontées comme les pierres d’un mur d’image, formant un véritable « appareil » de photographies, au sens que les maçons donnent à ce terme.
Ce travail est délicat, comme tout travail sur la mémoire, parce qu’il faut prendre la photographie à son propre jeu et, de même que dans l’analyse l’histoire est peu à peu dévoilée par le langage, l’image latente du souvenir est ici dévoilée sous les photographies déjà prises. Courageux, parce que cet exercice formel est aussi, en l’occurrence, un engagement physique. Les photographies des albums sont généralement des objets de respect. Inviolables, elles doivent parler une langue qui n’admet pas d’être détournée.
Peut-on s’opposer ainsi à la fatalité photographique de l’album de famille, à cette rigidité quasi cadavérique et institutionnelle de l’album de famille, qui est le principe de sa fonction même et à la source du plaisir qu’on éprouve à le feuilleter ? Loin du sacrilège, Hélène Hourmat se range clairement du côté de la piété et même du plaisir, car il n’y a aucun malaise, aucun remords, mais au contraire une joie de revivre le roman familial par le travail sur la photographie : les photographies anciennes, prises par on ne sait qui, sont ainsi mêlées à ses propres photographies, portraits et autoportraits mêlés. Les photographies sont redessinées, recadrées, rephotographiées, si bien que « la famille », véritable auteur collectif de l’album, devient à travers elle l’auteur de son œuvre.
La famille en question se prête assez à ce jeu créatif : c’est une mosaïque d’origine marocaine et juive où surgissent visiblement de fortes personnalités, les hommes – tantôt en burnous local, tantôt vêtus d’un costume deux-pièces - les femmes, qui passent en une génération de la tradition qui les représente « en majesté » à la modernité qui les saisit en plein mouvement. Le titre mérite un commentaire : l’auteur le tient du « vert viridiane » des crayons de couleur qu’elle emploie pour évoquer l’évanescence un peu spectrale de certains personnages. Le mot n’existe pas dans le vocabulaire français, il évoque Bunuel et l’Espagne que la famille Hourmat traversait pour venir du Maroc ou de Tanger jusqu’en France. Cette traversée de l’Espagne par le titre restitue peut-être, inconsciemment, ce lien entre deux générations que la fille, Hélène, cherche à maçonner dans ses murs d’images.
La photographie, outil de la narration immobile, se prête parfaitement à cette investigation lancinante du récit familial qu’elle a elle-même contribué à figer. Plusieurs procédés sont utilisés pour faire sortir ces photographies de la pause-qui est une sorte de langue de bois familiale. Les personnages les plus lointains ont été redessinés avec les outils du sfumato, crayon gras sur papier à fort grain comme s’il fallait fabriquer des traces simulées de ce qui s’efface dans la mémoire. Trois portraits sont estompés en vert « viridiane » qui donne l’impression que tout commence par un éloignement. Ces images des aïeux que leur ancienneté a fixées, resurgissent, rapprochées et ravivées, et font ressortir celles de la période vécue, contrastées et mouvementées, où le grain épais du papier photographique- on saisit vraiment ce que peut être le « grain » de la mémoire- joue à son tour de façon plus vive pour donner, cette fois, des ombres fortes qui semblent protéger les visages d’un éblouissement imaginaire.
L’important, ici, est le dessin qui se superpose comme une mémoire vive à la mémoire morte des photographies anciennes. C’est lui qui les met en perspective, le travail du tirage qui s’apparente au dessin dans son souci de traiter l’image existante de manière graphique, par la sensibilité du support, le grain ou le contraste. Or, on constate que c’est la photographie qui est dure, figée, et le dessin qui est doux et légèrement coloré, ce qui inverse la valeur de réalité qu’on attribue généralement au dessin et à la photographie : la réalité est morte, car « la prise de vue » est déjà faite, mais l’imaginaire de cette réalité vit dans le traitement qu’on fait subir à ces images. On apprend qu’il y a un art de la photographie totalement étranger à celui qui consiste à « prendre des photographies ». Pour l’auteur, c’est quand la photographie est déjà là dans son album que le travail commence.
Le kaléidoscope ainsi arrangé se lit dans tous les sens, y compris celui de la profondeur, grâce aux effets de perspective et de contraste. Mais on peut aussi le lire comme une bande dessinée, à l’occidentale. On voit alors dans la première « case » photographique un autoportrait d’Hélène Hourmat, immatérialisée sous la forme d’une projection où elle se confond avec l’image d’un album ouvert qui la recouvre. Elle est littéralement « plongée » par la superposition dans l’album de famille. Dans la ligne du bas, elle réapparaît de profil, démasquée, dans la position ambigüe de quelqu’un qui s’abandonnerait avec tendresse au poids de ces souvenirs stratifiés, ou, au contraire, comme le plongeur qui, parvenu au fond de ce lac d’images, aspirerait, à travers elles, à faire surface.
Certaines mythologies savent qu’il faut trois générations pour libérer une âme.


Because she has been working for the last fifteen years, on some of the photographs in her own family album, Hélène Hourmat uses a delicate and courageous method, transforming the album, already a sort of shroud, into a place of regeneration and creation. Photography becomes the vehicle of anything transportable from a generation to another. Detailed and detached, the photographs of the album are then built up like stones of a pictural wall, forming a real photographic apparatus, as in masonry.
The work is delicate, like any memorial work, because one has to take photography at its own game, and even analysed, historyis, bit by bit, unveiled by language, the latent image of the souvenir is little by little discovered under the photographs already taken. Courageous because this formal exercise is also, in this case, a physical engagement. Usually, the photographs of an album are respectful objects. Untouchable, they must speak a language that cannot be changed.
Can one oppose to the photographic fatality of a family album, against the institutional and corpse-like rigidity of the family album, which is the whole point and pleasure of being able to leaf through it. Far from sacrilege, Hélène Hourmat considers herself nearer to pleasure, because there is no misunderstanding, no reproach, on the contrary, a joy at living the family story through phothgraphy: old photographs, taken by who knows, are thus muddled up with hers, portraits and selfportraits together. The photographs are drawn, reframed, rephotographed, in such a way that the real family become the originator of her work.
The family in question is ideal for this creative game, being an original Moroccan and Jewish mosaic where strong characters pervade, the men either in local costume or two-piece suit, the women going from a majestic traditional generation to a modernism that captures them in movement (……..)
Photography, an implement of immobile narrative, is ideal for its haunting investigation of a family story, and at the same time responsible for immortalization (….)
The important thing here is the drawing acting as a living memory on the dead memory of old photographs. (….) It is, in fact, photography that is hard, static, and drawing soft and slightly coloured, which inverses the value that one usually attributes to drawing and photography : reality is dead, because the shot is already taken, but the imagination of this reality stems from the treatment given to the pictures. We understand, therefore, that there is a totally different art in photography compared to the usual “taking a shot”. For the author, it is when photography is already in the album that the works begins.
(…) Some mythologies know that three generations are needed to free a soul.



Prof. Dr. Peter Rautmann
Rede zur Austellungseröffnung, Hannover, Galerie Sandmann + Haak, 24.8.1996

Hélène Hourmat, Carnets de Voyage

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Ihr letzte grosse Arbeit « Lehnert & Landrock » ist von grosser Radikalität. Anstelle des Albums de famille tritt das « Carnet de Voyage » der eingangs beschriebenen beiden Fotografen Lehnert und Landrock. Auf dieser Bilder kann der Betrachter/ die Betrachterin nur wie ein Voyeur blicken. Hélène Hourmat hat dies wahrgenommen und dem nicht mit ihrem Blick geantwortet, sondern mit dem Einsatz ihres Körpers, dort, wo sie verletzlich ist. Den eigenen Körper ins Spiel zu bringen, heist sich selbst verletzlich zu machen, zeigen, was Bilder unentwegt mit uns machen. Diese Schärfe der Aussage verbindet sich mit den formalen Mitteln – so wenn der Rand des Albums den Körper zerschneidet. Neben dieser Schärfe treten aber auch unendlich weiche Formen, Übergänge von Grauzonen zu solchen grosser Tiefenschwärze, in denen der Blick sich verliert. Die Zusammenstellung der sechs Tafeln mit den breiten, weissen Rahmenrändern ist wie ein Umspielen der Idee des schwarzen Quadrats auf weissem Grund, also mit dem Bewusstein und der Erinnerung an die abstrakte Moderne, diese einbeziehend, aber zu einer inhaltlichen Auseinandersetzung weitend.
Das provozierendste Marerial sind sicherlich die in dem gleichnamigen Triptychon verarbeiteten Aufnahmen aus dem “Jardin d’Acclimatation” aus der Jahrhundertwende in Paris, in denen neben idyllischen Einblicken in tropische Gewächshäuser und auf Paradiesvögel (der radschlagende Pfau), die als stereoskopische Aufnahmen dem Betrachter einen illusionistischen dreidimensionalen Blick gewähren, Aufnahmen von Afrikanerinnen montiert sind, die wue exotische Tiere in einem Zoo von einem sonntäglich gekleideten weissen Publikum betrachtet werden. Während diese Zeilen geschrieben warden, höre ich aus dem Radio von der Gewalt gegen Afrikaner, die heute in Frankreich bleiben wollen und mit Gewalt ins Flugzeug abtransportiert und wieder nach Afrika zurückgeschickt zu werden – Hat diese Gewalt nicht auch mit dem Blick der Aufnahmen aus dem Jardin d’Acclimatation zu tun, der immer noch weiterwirkt ? und wie selten ist es in der gegenwärtigen Kunst, dass man von den Ereignissen der Welt einen direkten Weg findet zu künstlerischen Arbeiten. In dem Triptychon “Jardin d’Acclimatation” antwortet Hélène Hourmat mit Blickvereigerung: mit Abwendung, mit Verschleierung, mit dem Zitat einer Grammophonplatte- als ob das Hören einen Ausweg darstellte- aber sie ist zerbrochen und nichts ist mehr zu hören. Dem Skandolon dieser Bilder stellt sie das Nichtbild gegenüber – das wieder zu einem Bild wird.
Aus diesem Spannungsfeld warden wir entlassen. Die Künstlerin öffnetvden Blick für die Geschichtlichkeit unserer Blicke, für die Macht und die Gewalt, die von Bildern ausgeht und kapituliert nicht vor ihnen, mischt sich in einer derart differenzierten, komplexen Weise ein, dass auch wieder Schönheit entstehen kann, keine nur formale Schönheit, sondern eine, die sich ihrer Gefährdung bewusst sein.



Annie E. Coombes
In "Travellers" Tales, narratives of home and displacement, Routledge, London, 1994.

The distance between two points: global culture and the liberal dilemma

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Similarly, the work of the Paris-based artist Hélène Hourmat disrupts the implicit and stable chronology of ‘home’ and ‘displacement’, the trajectory of the Jewish diaspora in Morocco, found in the pages of her family album. Le Goût Salé des Lèvres ou le détroit de Gibraltar of 1989 juxtaposes photographs of her grandparents in a securely located ‘orientalist’ interior on the one hand, with an image of departure iconically represented through a photograph taken from the stern of a passenger vessel on the other, the temporal disjuncture reinforced through the larger portrait of her mother devoid of orientalizing accoutrements, gazing into the distance marked by the foaming wake. In Viridiane of 1988, references to early photographic processes through Hourmat’s painstaking hand-crafted recreation of gum bi-chromide prints, signal both the act of representation and the temporality of this moment. The hazy green portraits of her great-uncles and aunt simultaneously suggest dissolution and becoming. These, together with the grainy texture of scratched and seemingly snatched snapshot segments and enlarged photographic details, combine to produce a montage that metonymically recalls the processes of memory through the passage of time. But it is a historicized passage which disrupts the seductive nostalgia of the generalized and mythic timelessness of Europe’s colonial ‘Orient’. The signs of this ‘Orient’ are confounded for the European viewer by the presence of an unambiguously announced bourgeois identity shred by both her younger aunt, whose upper body is reproduced in evening dress, and the portraits of her great-uncles, even while they are located in disturbingly different time frames by the historicizing gesture of the photographic technique. There is no clear passage from the past to the present here, each informs and produces the other.

In addition, the European gaze is neither invited nor necessary to the recognition of the inescapable exoticizing of the Moroccan woman. This montage may well be concerned with the eroticizing gaze but it is a dialogue between participants in an internal drama from which ‘we’ are excluded. It is a surface that defiantly plays back the logical possibilities of the assimilationist rhetoric historically associated with the French colonial project. These images, then, are not just about the possible mobility of cultures. Like Boyce’s work, they can also be read as commentaries on the potential mobility of class. That the primary protagonists of this transformation in the work of both these artists are women, is significant. It is the coincidence of these three critical components which so effectively destabilize the easy allocation of fixed identities.
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Eunice Lipton
In leaflet “Personal order, works by Hélène Hourmat”, The Jewish Museum, New York, 1990.

Across the Strait of Gibraltar

Imagine an elegant and efficient Parisian woman, an archivist for a large commercial photo agency. In the morning she exits the Metro at the Stock Exchange and heads towards the rue de Richelieu just a short distance from the Opera. She travels to this photo archive from the eastern edge of the city where she lives in a small, warren-like apartment which is also vaguely “Eastern”.

This archivist is the artist Hélène Hourmat. One could say that her work – what you see before you – is a meditation upon her daily trip from the fringe of Paris to its center. Or rather, that the trip is a metaphor of her ceaseless inner journey between her Moroccan Jewish heritage and her contemporary French life. Hourmat calls her works “puzzle-poems”, and well she might, for they are elusive musings on two places, wistful questions about identity.
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At her job, Hourmat works with photographic reproductions of France’s patrimony – its city gates and famous shops, its chateaus and cathedrals, its sculptures and paintings. At home, she assembles her artwork from source material of much more modest kind. On the same hand, the great cultural legacy of France, on the other, a worn family photo album which belonged to Moroccan Jews. She turns what were modest snap-shots into monuments. They became a version of her own history or memory, but they also constitute an assertion of the worth of North African Jewish culture. This in the face of France’s daunting cultural heritage as well as its present racist climate. Indeed, every work in the exhibit participates in a dialogue between East and West. In the top left-hand corner of Eiffel Tower, for example, a chic European woman – the artist herself – holds aloft a toy Eiffel Tower in one hand while the other maneuvers little towers on a table in front of her. With the concentration of a magician, she works at her conjuring, only ironically proposing the importance of France. Below in another pictorial space sprawl photos of a Moroccan man and woman. Their – the artist’s grandparents–presence overwhelms the French conjurer above but does not displace her.

In The Salty Taste of Lips / The Strait of Gibraltar we find pictures of the same Moroccan couple plus a Black servant-woman. As the servant looks to the wife, and the wife to her husband, they form a long horizontal band atop which sit photographs evoking Europe: a boat cutting a swathe of sea-water behind it and the vibrant face of a western woman (the artist’s mother). Might we not suggest here that movement and curiosity on one level is differentiated from stasis and custom on the other? Below these two bands appears an ambiguous picture of a hand. It seems both to reach up towards the uneasy rapport between Europe and North Africa, France and Morocco, West and East, and to signal, “Halt”: Don’t cross the strait, the sliver of water differentiating the “First” and “Third” Worlds. Stop the versions of history that validate one place and denigrate the other. If the question of cultural primacy is raised by Hourmat’s work, so is the issue of gender and subjectivity. Eiffel Tower is a representation of feminine authority; the players are a European woman and an Eastern matriarch – an artist and a powerful grandmother. Hourmat writes: All my work revolves around my grandmother. Although illiterate, she understood but did not speak French. She followed her daughter, my mother, to France….Later on she also followed her other daughter to England…The way in which she took this uprooting from one culture to another – the shock of modern technologies like aviation and television – in her stride, this exile, which turned out happy, but which was due to circumstances beyond her control. I have subsequently thought about this a great deal.

One senses a community of women in a work like The Sleeping Fury with its gathering of feminine presences. Indeed Hourmat says: The voices which inspired me (in general), are those of three women: my grandmother, my mother and my aunt. Yet, the contradictory pulls of feminine subjectivity and passivity, presence and absence, is palpable even as the title of The Sleeping Fury itself testifies. Most striking in this context is Viridiane, in which five male faces gaze directly out at the spectator, while the vision of five out of the six women represented (including the artist) is occluded.

Can we say that Hourmat’s work is about identity? Yes, but only if it is understood to be something mobile, not fixed. For Hourmat, identity shuttles between the East and the West, the past and the present, “masculine” and “feminine” response. Hourmat will not opt for one “home” – what some call “an illusion of coherence” – she wants the impossible mixture. And her refusal to choose constitutes the power and poetry of her work.